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12/11/2020

Hugo Genoud

4 min.

Le secteur de la Défense face à la crise sanitaire

Présentée par l’OCDE comme la crise la plus grave depuis celle de la Seconde Guerre Mondiale, la pandémie du coronavirus atteint quasiment tous les secteurs de l’économie et ses acteurs. Parmi eux, celui de la défense, dont les enjeux stratégiques industriels et opérationnels n’ont pas été épargnés par cette crise.

L’ère Covid-19, un tournant pour la Défense ?

« Les opérations extérieures et intérieures, la dissuasion, la protection de nos approches maritimes et aériennes, notamment, sont au cœur des activités régaliennes de l'État, et le ministère des armées ainsi que ses partenaires industriels ne peuvent y manquer » - Florence Parly, le 6 avril 2020.

Par ces mots prononcés lors d’une visite sur le site de Nexter, groupe industriel français d’armements, la ministre française des armées a rappelé la dimension cruciale de la défense et des industries qui s'y rattachent. La crise ne devait en aucun cas faire dévier ce secteur de ses obligations et objectifs. Covid-19 ou non, le maintien des engagements militaires (et donc industriels) restent prioritaires face au combat qui lui   « ne faiblit pas ».

Parallèlement à cela, la Russie exhibait au monde son imposant arsenal militaire à l’occasion de la parade célébrant les 75 ans de la victoire sur le régime nazi, quelques mois seulement après avoir annoncé le déploiement de ses missiles hypersoniques nouvelle génération « Avangard ». La France elle, abattait un chef terroriste au Mali en juin, signait un contrat d’armement en Australie en juillet, et les budgets mondiaux de défense ne cessent d’augmenter.

Une militarisation sans complexe du monde qui peut pourtant sembler paradoxale en ces temps de crise sanitaire et économique.

Paradoxale ? Et pourtant, maintenir les capacités de l’armée à son maximum même en temps de crise sanitaire s’est révélé crucial.

En effet, la défense œuvre au service de l’effort contre le Covid-19. Que ce soit en France, en Russie ou ailleurs, la mobilisation de ce secteur et de ses capacités militaires s’est avérée essentielle : déploiement d’unités de réanimation, transport de patients ou de matériel ou encore sécurisation de sites foyers de l’épidémie par l’armée. Symbolisé par l’opération « Résilience » en France et son triple volet Sanitaire – Logistique – Protection, l’apport de l’armée a été grandement salué par les équipes médicales. Outre cet engagement opérationnel, la défense vise également à mettre ses capacités d’innovation au service de la lutte contre l’épidémie, en témoigne l’appel à projets lancé par l’AID (Agende de l’Innovation de Défense) en France.

L’armée et la dissuasion restent incontournables. Le 17 juin dernier, le chef d’état-major de l’armée de Terre Française Thierry Burkhard présentait le nouveau « plan stratégique » de son armée. Dans un contexte « avant tout marqué par l’incertitude, renforcé par de nombreux bouleversements géopolitiques récents », le général anticipe le retour de conflits « durs, symétriques, états contre états ». Citant en exemple le conflit libyen, le général voit l’Europe comme « cernée » par cette militarisation du monde.

Selon lui, « Nos adversaires nous testent de plus en plus durement, sans craindre d’aller à l’incident, pouvant dégénérer en escalade militaire non maîtrisée. ». Le récent accrochage Franco-Turc au large de la Lybie, (une frégate française, alors en mission OTAN d’interception d’un navire suspect a été prise pour cible par une frégate turque) ne lui donne malheureusement pas tort.

Future pandémie ou conflit de grande échelle, le secteur de la défense ne peut tourner le dos à une militarisation décomplexée mais adaptée à un contexte en constant changement afin de répondre à ces crises multiples.

Que faut-il changer ? Le Covid-19 a aussi eu comme conséquence de mettre en lumière les lacunes d’aujourd’hui qui pourraient prendre un caractère stratégique demain pour les conflits à venir, parmi lesquelles : d’une crise à immobiliser tout ou partie de l’armée, via l’exemple du porte-avions Charles-de-Gaulle, bâtiment emblématique de l’armée française, obligé de stopper sa mission suite à la contamination de l’équipage;

2. L’absence de souveraineté nationale sur des secteurs devenus vitaux, comme l’exemple désastreux des masques l’a illustré en France, mais touchant également le secteur de la défense et ses industriels;

3. L’apparition de la menace bactériologique (éventuellement étatique ou terroriste), que nous ne sommes sûrement pas encore prêts à affronter.

La menace se transforme, entraînant avec elle un secteur de la défense qui se doit de s’adapter face à la gravité de la crise.

Comment ? Quelles solutions ? Pourquoi ne pas faire confiance à la capacité d’innovation de ce secteur, en lui donnant les moyens adéquats, et rendre notre industrie moins dépendante des chocs extérieurs ? Comme le résume Jacques Chambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat : "L’argent dépensé pour l’effort de défense est de l’argent dépensé pour protéger les Français, leur avenir, leur sécurité, mais aussi pour l’emploi, la vitalité et le dynamisme de nos territoires : la BITD (Base Industrielle et Technologique de Défense), c’est le bastion industriel et technologique de la France. Sachons en faire le point d’appui pour relancer notre industrie et envisager une relocalisation de pans entiers d’activité que nous avons dangereusement délaissés ».

De l‘autre côté, n’est-il pas temps de déconstruire le spectre d’une « erreur de calcul » qui entraînerait un conflit Est/Ouest selon le général Burkhard ? Refonder l’OTAN ? Retisser des liens avec le grand-est européen ? Organiser des exercices militaires conjoints avec la Russie ? Mutualiser notre défense NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) ? Une chose est sûre, la principale menace pour l’Europe n’est ni la Russie, la Chine ou le terrorisme, mais bien la désunion. L’Europe aurait alors tout à gagner à s’ouvrir de la sorte et ainsi prévenir au mieux les risques d’une nouvelle crise autrement plus grave que celle du coronavirus.

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#7. Bons baisers de... chez nous ?

Hugo Genoud

#8. Le secteur de la Défense face à la crise sanitaire

Contributeur du JBC

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