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03/06/2020

Elena Filatova

6 min.

Mensonge ou vérité ?

Covid-19, une pandémie de "fake news"

Covid-19 créée dans un laboratoire, Covid-19 liée à la 5G ou encore Covid-19 transmise avec des colis en provenance de Chine... Faux ! Comme tous les sujets fortement médiatisés, le coronavirus SARS-CoV2 n’échappe pas au flot d’informations fausses.

Cette désinformation peut prendre plusieurs formes : de la simple approximation dans les chiffres à la théorie du complot, en passant par des déclarations infondées.

Quasi-impossible d’en trouver les origines en raison du grand nombre de supports reliant ces informations. Mais une chose est sûre : les « fake news » sont dangereuses et il faut les prendre au sérieux.

Inonder Internet de faits et de données scientifiques

A l’ère des réseaux sociaux dont certains sont devenus de véritables médias, la désinformation, qu’elle soit naïve ou malveillante, est devenue un vrai fléau, surtout en temps de crise.

« Inonder Internet de faits et de données scientifiques ». Telle est la réponse de l’ONU à l’égard de la « désinfodémie » (ang : « misinfo-demic ») qui sévit dans le monde en même temps que le nouveau coronavirus. Dans son discours du 14 avril 2020, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a déploré la prolifération de « conseils de santé nocifs et les solutions de charlatan », ainsi que les « théories du complot qui infectent Internet ». Selon lui, la desinfodémie met en danger encore plus de vies humaines. Néanmoins, l’antidote existe et il est accessible à tous. C’est la confiance. La confiance dans la science, les institutions et en l’Autre.

L’ampleur du phénomène est telle que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dû mettre en place une section « Démanteler les mythes » sur son site internet. Les géants du web, dont Facebook, Google et Twitter, ont affirmé, pour leur part, dans une déclaration commune, leur volonté de conjuguer leurs efforts pour combattre la désinformation liée au coronavirus en se conformant aux recommandations formulées par l'OMS.

En France, « l’Etat n’est pas l’arbitre de l’information »

Quant à la France, les « fake news » excitent les passions depuis un certain temps. La société y voit une menace au débat public. Des individus ou des réseaux structurés auraient recours à la production de rumeurs pour disqualifier leurs adversaires politiques et sensibiliser les internautes à leur sujet. Cette pratique semble avoir pris une ampleur inégalée, notamment lors des campagnes électorales américaine de 2016 et française de 2017.

Depuis, une loi « anti-fake news » » a été adoptée ; former à l’esprit critique est devenu l’une des orientations majeures de l’Education nationale et, in fine, la pratique de la vérification des informations – dite fact checking – s'est généralisée dans le milieu journalistique.

Parlant de la crise sanitaire actuelle, la France serait l'un des pays les plus défiants à l’égard de l’information concernant la Covid-19 (Trust Barometer Edelman). 76% des Français expriment leurs inquiétudes face aux « fake news ». Les médecins et les scientifiques bénéficient d’un taux de confiance le plus élevé (80%). 52% des Français, qui sont 10 points derrière le reste du monde, jugent toutefois les grands médias nationaux comme la source d’information fiable. En revanche, on observe un fort scepticisme à l’égard des réseaux sociaux (21%) et du discours public en France (37%).

Pour l’anecdote, le gouvernement français a tenté de créer sur son site un espace dédié à la lutte contre les « fake news ». Intitulé « Désinfox », cet espace était destiné à relayer des articles « sûrs et vérifiés » mais issus de cinq médias seulement. Qu’il s’agisse d’un choix ou d’une maladresse, l’initiative a suscité la colère des autres titres. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déposé un recours en urgence devant le Conseil d’Etat. Le SNJ y demandait au juge d’enjoindre au Premier ministre de supprimer cette page « afin de faire cesser immédiatement l’atteinte grave et manifestement illégale portée aux principes de pluralisme dans l’expression des opinions et de neutralité des autorités publiques ». Selon les journalistes, « l’Etat n’est pas l’arbitre de l’information ».

Le gouvernement a finalement décidé de retirer sa page « anti-infox » en expliquant qu’elle « visait simplement à apporter un service supplémentaire pour regrouper sous une même page les ressources de lutte contre la désinformation concernant la crise sanitaire, ne représentait évidemment pas un objectif de tri d'articles ou d'informations » (Franck Riester, Ministre de la Culture).

En Russie, « ne crois personne… »

Restée à l’abri pendant un moment, la Russie a passé la barre des 300 000 cas confirmés de Covid-19 le 19 mai dernier. Le virus est arrivé jusqu'au sommet de l'Etat, contaminant aussi bien deux ministres que le Premier Ministre Mikhail Michoustine, puis le porte-parole de la Fédération de Russie.

Les autorités russes affirment que l'envolée du nombre des cas s'explique par la multiplication des tests effectués et non par une accélération de la propagation. Cela expliquerait également la faible mortalité (2837 morts au 19 mai 2020), une performance qui a jeté un soupçon sur les statistiques russes.

Une publication du Financial Times assure que le nombre de décès provoqués par le coronavirus en Russie serait de 70% plus important que déclaré. L’Union Européenne pointe du doigt, elle aussi, la Russie. Selon une analyse de l’actualité du 2 au 22 avril 2020, « des sources officielles et soutenues par l’État au sein de nombreux gouvernements, notamment en Russie…», continuent à élaborer des théories du complot et à publier de fausses informations, destinées à un « public large », tant en Europe que dans d’autres pays.

Ces accusations provenant de l’étranger se sont multipliées depuis le « Russiagate » et ne semblent pas beaucoup inquiéter le Kremlin qui nie tout.

Mais qu’en pensent les Russes ?

Un sujet complexe dû au caractère fragmenté de la population de ce paysGrosso modo, la population russe pourrait être divisée en deux groupes.

Le premier, minoritaire, mais plus jeune, est bien adapté au mode de vie post-soviétique. Il regrette moins la chute de l’URSS que le reste de la population et, dans ses décisions quotidiennes, il fait preuve d’autonomie. Le second, majoritaire, issu de la période soviétique, est plus docile, moins opposé à la hiérarchie, ce qui lui permet de se conformer à l’organisation actuelle., sachant qu’il existe également un courant de « russophiles » qui s’oppose à l’Occident. Ces personnes considèrent que la mission historique de la Russie est d’être le dernier pays conservateur, celui qui protège les valeurs traditionnelles dont les Européens et les Américains se sont détachés.

Ce sont donc les premiers qui se méfient davantage de l’information qu’ils reçoivent. Ils se tournent souvent vers des sources d’information alternatives sur Internet et les réseaux sociaux (VK, Instagram, Telegram) ou encore des médias « indépendants » (Meduza, Dozhd). Ils semblent être plus sensibles aux avis des leaders d’opinion, qu’il s’agisse de blogueurs-journalistes (par ex. Iouri Doud, Alexey Pivovarov, Irina Shikhman) ou des personnalités publiques.

Les représentants de ce groupe n’hésitent pas à manifester leur mécontentement face à la gestion de la crise de la Covid-19 par les autorités. Dans la rue, mais surtout sur le Web, la contestation dénonce la faiblesse des mesures économiques et sociales prises pour aider les Russes pendant le confinement. Ainsi, Ilya Azar, journaliste, l’une des figures de la société civile à la tête des manifestations de l’été 2019 à Moscou, a appelé à « une protestation en ligne » sur YouTube le mardi 28 avril. Sa revendication : « des mesures d’urgence pour aider les familles et les travailleurs contraints à rester chez eux pendant la pandémie ».

Le deuxième groupe et le courant « russophile », quant à eux, restent loyaux envers les médias fédéraux, surtout la télévision (Etude Mediascope), la considérant comme le média le plus fiable.

Cependant, plus de la moitié des Russes (56 %) – indépendamment de leur âge et de leur niveau d’éducation – pensent qu’il y a des sujets d’importance publique dont la couverture médiatique peut être volontairement déformée ou cachée en raison de l’intérêt d’État. Ceci illustre bien que la majorité de la population russe est loin d’appréhender les médias comme une institution de la société : ils les considèrent plutôt comme l’instrument de la politique de l’État.

Ainsi, ce manque de confiance, dont parlait Antonio Guterres, envers les dirigeants et les médias du pays s’avère très contre-productif en contexte de pandémie car il favorise la propagation de fausses informations. Mais comment les freiner si même les sources officielles sont perçues comme erronées ?

La Douma propose des mesures de prévention de base en adoptant un projet de loi visant l’infox pendant la crise de la Covid-19.

Le texte prévoit, entre autres, qu'une personne reconnue coupable d'avoir partagé des informations « intentionnellement fausses » ayant entraîné la mort d'une personne ou ayant eu de graves conséquences, risquera une peine de cinq ans de prison et une amende de 2 millions de roubles (23.000 euros au taux actuel). La loi prévoit également de punir la diffusion d'informations ayant porté atteinte à la santé d'autrui d’un emprisonnement de trois ans maximum et d'une amende de 1,5 million de roubles (17.300 euros).

Finalement, quel remède contre la désinfodémie ? Se laver les mains souvent, éternuer dans son coude et consulter des médias fiables et reconnus, dans toute leur diversité.

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#5. Un modèle de croissance en pleine mutation.

Elena Filatova

Responsable Communication

#6. Covid-19, une pandémie de "fake news".

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

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#7. Bons baisers de... chez nous ?

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