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17/05/2020

Anna Tkacheva

7 min.

Choc pétrolier, croissance des énergies renouvelables

Les deux côtés de la médaille "coronavirus"

D’après les prévisions du FMI, l'économie mondiale va se contracter de 3% en 2020, le PIB européen - de 7,5 % en moyenne, la Russie - de 5 %.   Il est évident que la crise du coronavirus a et aura encore un impact sans précédent sur toute l’économie. Le marché mondial de l'énergie connaît par ailleurs des bouleversements tels que l'effondrement du marché du pétrole ou les nouveaux accords OPEP+. Que se passe-t-il dans le secteur mondial de l'énergie et comment le monde prévoit-il de surmonter la crise énergétique ?

Quelle voie de développement la France et la Russie vont-elles choisir ?

Baisse de la demande de pétrole et impact sur le secteur énergétique en Russie et en Europe

Au printemps 2020, le monde a probablement vécu la crise la plus profonde de l'histoire de l'industrie pétrolière. En avril, la demande a chuté de près de 30%, les prix se sont effondrés enclenchant une guerre des prix.  Les mesures restrictives imposées en raison du COVID-19 ont joué un rôle clé. Par exemple, les compagnies aériennes - les plus grandes consommatrices de produits pétroliers - assuraient plus de 31 000 vols par jour en Europe, mais aujourd'hui le nombre de vols a chuté de plus de 90 %.

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EUROCONTROL, 16/04/2020

Alexander Novak, ministre russe de l'énergie, a déclaré : « Cette situation ne s'est jamais produite - il y a trois ans, l'offre dépassait la demande de 3 millions de barils par jour, et désormais - de 20 millions de barils en raison de la baisse de la demande ».  Cela a conduit à un remplissage des installations de stockage de pétrole faisant s'effondrer les contrats à terme du WTI en mai. Ils sont tombés pour la première fois de l'histoire boursière sous le seuil de zéro, traduisant la nécessité pour les vendeurs de payer les consommateurs pour écouler leurs marchandises.

Heureusement, la baisse des prix du Brent n'a pas été aussi importante, mais les prix ont chuté de 3,5 fois de janvier à avril 2020. La situation s’est aggravée par la guerre des prix déclenchée par les principaux producteurs de pétrole. La solution envisagée était un nouvel accord OPEP+ visant à réduire la production de pétrole, adopté par les membres et non-membres de l'OPEP d'ici début mai 2022 - soit un total de 9,7 millions de barils par jour. Qu'est-ce que cela signifie pour la Russie ? Sur les 9,7 millions de b/j convenus, la Russie va réduire sa production de pétrole de 2,5 millions de b/j, indique le service de presse du ministère de l'énergie de la Russie, ce qui signifie officiellement une baisse de 22,7 % de la production.

À court terme, dans le contexte d'une demande faible et des engagements de l'OPEP+, les compagnies pétrolières du monde entier se concentreront sur la réduction des coûts et le démantèlement des puits, les investissements dans la production mondiale ayant chuté de 45 %. Par exemple, Rosneft prévoit d'optimiser ses investissements pour 2020 de 950 à 750 milliards de roubles. En conséquence, pour l’économie russe, cela signifie une diminution des recettes d'exportation en 2020 de 2,5 fois par rapport au scénario d'avant la crise, voire de 4 à 10 fois en cas de violation des quotas OPEP+. Néanmoins, si les obligations sont remplies avec succès, les cotations de l’entreprise Urals pourront monter à 32-36 dollars, augmentant les revenus du pétrole et du gaz pour le budget fédéral et réduira les dépenses du Fonds national de réserves à plusieurs centaines de milliards de roubles au lieu de billions.

Les experts de l'industrie du gaz ne s'attendent pas à de tels chocs, bien qu'ils prévoient une baisse de 3 à 5 % de la demande mondiale en moyenne d'ici 2020. Toutefois, il existe certainement un risque de situation analogue au marché pétrolier, car dans le contexte de la baisse de la demande, les installations de stockage de gaz en Europe pourraient également être surchargées. A court et moyen terme, le marché s'attend à des ajustements des programmes d'investissement et à une réduction des investissements dans les projets à forte intensité capitalistique en raison de la crise de coronavirus. Quant aux projets en cours, il existe un risque de modification de leurs délais d'exécution dans un contexte de confinement prolongé et de retard dans la livraison des équipements.

La situation sur le marché de l’électricité semble plus optimiste que sur les deux marchés précédents, car la demande de chaleur est plus sensible aux conditions météorologiques qu'à la quarantaine. Néanmoins, pendant les jours de confinement strict, la demande d'électricité a diminué de 10-30 %, mais s'est ensuite redressée. La demande a diminué, tout comme le prix, qui a baissé de 25-50 % en Europe. La principale tendance sur le marché a été la réduction de la demande de production d'énergie thermique, et la croissance stable de la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables (SER) - par exemple, selon EnAppSys, la part des SER (y compris les centrales hydroélectriques) dans la production d'électricité en Europe a atteint 41 % au premier trimestre de 2020, soit une hausse de 6 % par rapport à 2016-2019.  Cependant, la demande en Russie n'a pas diminué de manière significative, mais il existe un autre risque - le risque d'une baisse des revenus des entreprises énergétiques en raison de non-paiements. Dans l'UE, malgré le déclin prévu des programmes d'investissement, la domination des SER dans les portefeuilles d'investissement se maintiendra. En général, la structure de l'investissement sera déterminée individuellement dans chaque pays.

Scénarii de reprise après la crise énergétique mondiale

Les experts du centre énergétique de Skolkovo définissent deux voies possibles de développement de l'énergie mondiale après la crise du coronavirus :

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- « trajectoire traditionnelle ».

- « transition énergétique accélérée ».

La trajectoire traditionnelle implique un cours normal des événements, dans lequel la demande de pétrole sera rétablie dans le contexte de déconfinement. Respectivement, l'offre augmentera après la demande, et donc le prix augmentera. Dans ce scénario, la transition énergétique sera reportée indéfiniment. Toutefois, si l'on tient compte des stratégies énergétiques de nombreux pays, en particulier des parties prenantes à l'accord de Paris ou au Green Deal de l’UE, la crise du Covid-19 est un point de départ pour le développement et l'introduction de

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technologies dans le domaine des SER et de l'énergie verte non seulement dans l'UE, mais aussi dans le reste du monde. Donc, dans ce cas-là, l’économie mondiale prendrait plutôt la deuxième voie.

En conclusion, Skolkovo souhaite faire remarquer que l'effet de choc des crises sanitaire et pétrolière sur l'économie mondiale et le système énergétique ne doit être surestimé.  Néanmoins, les pays devront choisir la voie de la réhabilitation et du développement à mesure que les restrictions de quarantaine seront assouplies. Selon la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, étant donné la faiblesse record des prix du pétrole, il est important que les pays tiennent compte de la nécessité de réduire les émissions lorsqu'ils accordent un soutien financier à leurs entreprises. Mme Georgieva a fait remarquer que des mesures actives pour lutter contre le changement climatique sont un « must-have » dans le contexte de la reprise de l'économie mondiale, qui a été ébranlée par la pandémie du Covid-19.

Quelle voie la Russie va-t-elle choisir ? Selon le ministère des finances de la Fédération de Russie, le choc pétrolier pourrait engendrer une perte de 3 000 milliards de roubles (37,5 milliards de dollars) sur les ventes de pétrole en 2020. Malgré la difficulté de mise en œuvre de l'accord OPEP+, la Russie est déterminée à réduire sa production, à « patienter » pendant cette période défavorable pour l'économie du pays tout en développant davantage l'industrie du pétrole et du gaz. Toutefois, la situation actuelle représente une « accalmie » porteuse d’opportunités pour les entreprises et l'État, qui doivent non seulement prêter attention, mais également travailler activement sur les aspects de la décarbonisation. La Russie, avec ses vastes territoires, a un potentiel important encore inexploité en matière d'énergie renouvelable.  

En ce qui concerne la France, la crise énergétique a également eu un impact important sur l'économie nationale, mais les mesures de quarantaine ont été considérablement affaiblies depuis le 11 mai 2020 permettant au pays de revenir progressivement à la normale. Le développement et l'investissement dans les énergies renouvelables, suivant la politique énergétique européenne sur la décarbonisation EU Green Deal restent l'objectif des entreprises européennes qui visent à faire passer l'énergie à un « niveau vert ».  Une telle approche semble attrayante à la fois pour son aspect écologique et pour la possibilité de créer de nouveaux emplois, ce qui est pertinent compte tenu de la situation de crise. Ainsi, même des géants du pétrole et du gaz comme Total ont adopté l'initiative de réduire les émissions à 0 d'ici 2050.  Patrick Pouyanné, en sa qualité de Président du Conseil d’administration, a déclaré : « Les marchés de l’énergie évoluent, tirés par le changement climatique, les technologies et les attentes de la société civile. Total s’engage à contribuer activement à relever le double défi consistant à fournir plus d’énergie avec moins d’émissions. ».

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#3. Quel avenir pour les musées ?

Anna Tkacheva

Responsable partenariats du JBC

#4. Choc pétrolier, énergies renouvelables.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

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#5. Un modèle de croissance en pleine mutation. 

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